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prostitués

Il ne faut mépriser ni tous ceux qui changent, ni tous ceux qui ne changent pas. Le critère accepté par M. Gide est aussi trompeur que celui qu’il repousse. Je trouve même supérieurs à tous les harmonieux, ceux qui ont une unité réelle dont le principe est intérieur. J’accorde qu’ils sont rares — comme tout ce qui est vraiment beau. Ils n’en sont que plus admirables.

Vous connaissez votre faiblesse, M. Gide. Ne soyez pas trop fier de cette supériorité relative et n’accusez pas d’être aussi faibles que vous et plus ignorants d’eux-mêmes ceux qui marchent dans leur force. Vous avez la haine de la foule et de tout ce qui est vulgaire, mais votre haine est mêlée de terreur : « Quand je suis dans la foule, j’en fais partie, et c’est parce que je sais ce que j’y deviens que je dis que je hais la foule. » Votre morale, M. Gide, est une hygiène de valétudinaire, excellente pour la plupart, dont quelques-uns n’ont pas besoin. Vous recommandez à quiconque écrit : « N’ayez souci que de déplaire aux autres. » Le conseil est distingué, d’une distinction trop voulue. Qui a besoin de se défendre ainsi ferait bien d’attendre : il ne faut pas écrire avant d’être