Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/80

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Les personnages antipathiques ont d’ailleurs chez Henry Bordeaux quelque diversité et les degrés de leur laideur disent avec précision depuis quel temps ils sont déracinés. Lucien Halande n’a que dix ans d’exil et il reviendra pour toujours à la terre maternelle : aussi n’est-il, avant son heureuse conversion, qu’un sceptique un peu agaçant. Le père de Jacques Alvard s’étant installé dans une autre province que la sienne, Jacques Alvard est une canaille énergique, un dominateur sans conscience. Il fait horreur. De plus anciens déracinés feront pitié « par leurs pensées violentes et leur faiblesse pour agir ». M. Henry Bordeaux nous explique gravement : « C’est la fin d’une race de déracinés ». Et je suppose qu’avant d’écrire cette phrase péremptoire, il avait longuement songé aux Américains du Nord, pauvre race transplantée qui se meurt d’impuissance et d’anémie.

Ne croyez pas que M. Henry Bordeaux ne connaisse et n’imite que les œuvres récentes de Barrès et les œuvres demi récentes d’Octave Feuillet. Son érudition pillarde fait de plus lointaines excursions dans le passé et en rapporte de précieuses épaves légitimement recueillies