Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/90

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rageuse m’amuse, car il se fâche contre ses fantoches comme si vraiment ils étaient vivants, comme si c’étaient des êtres de chair, sortis du cerveau Balzac, au lieu de pauvres marionnettes faisant trois tours sur la gélatine Montégut.

Mais quelquefois il veut sourire, et il devient sinistre. L’épisode de Brout de Chandeilles, dit Bout-de-Chandelle, et de Mlle Mouche lui permet particulièrement de manifester la finesse de son esprit et la légèreté de sa fantaisie. Chacune de ces deux présomptueuses marionnettes prétendant se faire aimer de l’autre, on se demanda longtemps « si la Mouche se brûlerait à la Chandelle ou si la Chandelle se consumerait en attendant la Mouche. » On s’aperçut bientôt, hélas ! que « de moins en moins, la Mouche ne paraissait disposée à se brûler les ailes à la flamme vacillante du pauvre Bout-de-Chandelle. » Aussi plus d’une fois « le pauvre Bout-de-Chandelle fut sur le point de s’éteindre. » Réjouissons-nous, pourtant : il oublia la Mouche et devint un gros financier capable d’éclairer largement. « Ce n’est plus Bout-de-Chandelle ! s’écrie un solliciteur comblé, mais une bougie de l’Étoile… C’est un cierge, un vrai cierge… »