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EUGÈNE CARRIÈRE

chevelure noire qu’elle peigne, le visage, dont on cherche le sourire, n’exprimant que la mélancolie de sa vaine beauté.

La belle étude qu’il exposa en 1888 fait sortir du contraste un effet puissant : de dos, les cheveux répandus sur les épaules, la femme est à sa toilette ; sur le fond, dont les tons chauds rappellent la patine d’un vieux bronze, éclate avec magnificence la chair où s’indiquent les modelés larges, une coulée de lumière qu’agitent les palpitations de la vie, un corps riche, aux formes pleines, d’une belle matière dont l’argent s’avive et s’échauffe de tons fauves.

Plus tard, il n’oppose plus avec cette franchise la figure au fond pour l’en détacher, il ne cherche plus l’effet dans le contraste, il semble moins préoccupé du charme sensible, direct ; il renonce à la belle pâte, à la matière fluide, — quelques-uns le regrettent ; — son langage, pour répondre à des pensers nouveaux, se modifie, devient plus spirituel et plus abstrait. La figure ne tranche plus sur le fond ; au lieu de s’en séparer, elle y plonge, elle en naît ; elle est la forme vivante où la lumière se concentre, et, comme cristallisant ses fluidités, se précise en une apparition distincte. L’harmonie n’est plus faite d’éléments contrastés ; plus complexe, plus vivante, elle repose sur des rapports subtils ; moins intense, plus variée dans ses nuances, la