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Page:Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, série 2, tome 6.djvu/217

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qu’il est question d’utilité en économie politique, il faut faire abstraction de la prudence et même de la moralité qui s’attachent à nos actions et à l’usage que nous faisons des êtres impersonnels, pour ne tenir compte que du besoin bien ou mal fondé qui nous fait désirer tel ou tel objet que nous jugeons propre à le satisfaire.

Cela posé, nous pouvons remarquer encore qu’il est assez difficile d’établir différents degrés d’utilité parmi le nombre incalculable de choses dont nous nous servons. On distingue assez généralement parmi les objets qui nous sont utiles ceux qui sont absolument nécessaires à notre conservation et ceux qui nous sont purement agréables. C’est une distinction fort ancienne que celle du nécessaire et du superflu. Plusieurs tentatives ont été faites, pour agrandir cette nomenclature, et l’on peut mettre au nombre des plus heureuses celle de M. Massias qui a distingué des valeurs de première nécessité, des valeurs d’agrément, des valeurs de luxe et des valeurs de fantaisie ou de caprice. On peut approuver ou rejeter cette distribution de tous les objets utiles. On peut surtout se diviser pour savoir où finit le nécessaire et où commence l’agréable, pour tracer la ligne de démarcation entre le luxe et le caprice. Mais quelque difficulté qu’il y ait à apprécier rigoureusement les diverses espèces d’utilité, et quoiqu’il me paraisse impossible d’en établir jamais une classification exempte d’arbitraire, il sera toujours facile d’apercevoir que, parmi toutes ces utilités, il y en a de moins réelles ou, si l’on veut, de moins raisonnables, de moins fondées les unes que les autres. Le pain est certainement plus utile que tel ou tel bijou, et la viande de nous sert beaucoup mieux que les feux d’artifice. On ne voit pas pourtant qu’une bague ou un bracelet en or ou en diamant soit moins prisé qu’une livre de pain, ni qu’un feu d’artifice se paye moins cher qu’un quartier de bœuf. Condillac et J.-B. Say pourront-ils nous dire pourquoi une plume d’autruche a plus de valeur qu’une