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contes de la haute-bretagne

marteler le fer, il le mettait en mille pièces. Son patron eut peur d’être ruiné par cet apprenti si fort, et il lui donna son congé ; mais avant de quitter la forge, Bras-de-Fer voulut avoir un bâton entier pour se défendre contre les hommes et les chiens. Il en forgea un qui pesait mille livres, mais ayant voulu l’essayer, il le brisa sur son genou aussi facilement qu’une baguette de coudrier ; il s’en fit un autre qui pesait deux mille livres, et il le plia en deux ; enfin, il en fabriqua un troisième qui pesait dix mille livres, et dont il se déclara satisfait, parce qu’il résista aux épreuves qu’il lui fit subir.

Il se mit en route, et, après avoir marché quelque temps, il rencontra son frère Décotte-Montagne, qui était tout en sueur à cause des efforts qu’il avait faits pour déranger une colline qu’il trouvait trop rapprochée d’un ruisseau. Bras-de-Fer lui proposa de l’accompagner dans le voyage qu’il commençait. Décotte-Montagne accepta, et ils voyagèrent tous les deux ensemble.

En arrivant à la lisière d’une vaste forêt, ils virent Teurs-Chêne qui avait mis en un paquet les douze plus gros chênes du pays et en avait tordu trois plus petits pour les lier ensemble comme un fagot. Il reconnut ses frères, et les conduisit à sa maison, où il leur offrit de souper et de coucher : avant d’entrer, il déposa son paquet auprès de l’étable aux vaches, mais il était si lourd que les murs s’écroulèrent et les vaches furent écrasées sous les décombres.

Le lendemain ses aînés lui proposèrent de les accompagner, et il se mit en route avec eux.

À quelque temps de là, ils rencontrèrent leur plus jeune frère qui s’amusait à jouer au palet avec des meules de moulin et qui parut bien aise de les voir.

— Que fais-tu là, frère ? demanda Bras-de-Fer ?

— Je joue au palet pour passer le temps, car j’ai épousé une femme riche, et je puis maintenant faire tout ce qui me plaît. Voulez-vous faire une partie avec moi ?

Ils se mirent à jouer tous les quatre, et en poussant le long des routes les meules qui leur servaient de palet, ils arrivèrent près d’un château, dont les habitants furent si effrayés du bruit que faisaient les frères, qu’ils s’enfuirent, et qu’on ne les revit plus.