Page:Sébillot - Contes de terre et de mer.djvu/119

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Le fils du pilote raconta à sa femme ce que lui avait dit sa mère :

— Je veux bien, dit-elle, mais j’ai peur que mon père, qui est l’ami de tous les magiciens du pays, ne vienne à s’en apercevoir ; car il te priverait de tous tes grades, et se vengerait cruellement.

La princesse ôta son voile, et comme son mari approchait la chandelle pour voir mieux la figure de sa femme, il lui laissa tomber sur la joue une flammèche qui la brûla.

— Ah ! s’écria la princesse, voilà ce que je craignais ; nous sommes perdus !

Le vaisseau quitta Boulogne, et revint à Naz, et quand le prince fut descendu à terre, le roi lui dit :

— Avez-vous désobéi à mes ordres ?

— Non.

— Je vais m’en assurer, et malheur à vous si vous avez violé votre serment.

Il appela sa fille et lui dit :

— Ton mari a-t-il dévoilé ta figure ?

— Non, mon père.

— Ne me mens pas, car je saurai si tu ne dis pas la vérité, et toi aussi tu seras punie.

Elle leva son voile, et il n’aperçut d’abord rien ; mais il mit ses lunettes et, ayant vu la brûlure, il entra dans une colère épouvantable.

— Malheureuse ! s’écria-t-il, ôte-toi de devant mes yeux et n’y reparais jamais.

Il envoya ses domestiques chercher ses magiciens, ses fées et ses sorciers, et quand ils furent arrivés, il leur dit de rendre son gendre le plus difforme des hommes.

L’un des sorciers dit :

— Il sera borgne d’un œil et louchera de l’autre.