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L’ÉVOLUTION DU THÉATRE CONTEMPORAIN

caractère est mieux dessiné, mais qui pâlit aupoint de s’effacer lorsque nous le comparons à celui de Lechat, le maître de tous.

Cette nécessité de créer des individualités véritables, lorsqu’on veut faire de ces individualités des personnages vraiment sympathiques, rend plus malaisée la tâche de l’auteur dramatique, mais elle rapproche aussi singulièrement son œuvre de la vie réelle. Désormais il n’est plus question de mettre en scène les fantoches de nos sentiments les plus anciens ou les plus poncifs, fantoche du patriotisme, fantoche de l’amour, fantoche de la maternité, fantoche de la vengeance. Ces caractères tout d’un bloc suffisaient peut-être à la mentalité du public de jadis moins blasé, plus neuf, moins méticuleux, ils ne sauraient nous agréer aujourd’hui. Nous voulons des âmes, sinon beaucoup plus compliquées, en tout cas moins simplistes, des âmes plus proches de l’humble vérité, des âmes que nous sentions vivre et avec qui nous puissions vivre et frémir. Voyez comme les personnages de premier plan du théâtre de Donnay, de Bataille et de Bernstein se présentent à nous avec de fortes individualités, comme ils creusent leurs traits, comme ils les soulignent, comme nous sentons en eux des êtres de chair et d’os et non des symboles, des représentations scéniques de sentiments ou de passions !

C’est le Retour de Jérusalem avec ses deux protagonistes face à face, chacun de sa race, chacun