Page:Séché - Joachim Du Bellay, 1880.djvu/34

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séculaires. J’en ai rarement vu d’aussi beaux. Entre chaque rangée d’arbres s’étend d’étage en étage une large terrasse qui sert de promenoir et d’où la vue embrasse toute la profondeur de la coulée. C’est là que le poète de la Défense de la langue française venait s’asseoir et répandre son âme dans ses chants mélancoliques. On le cherche malgré soi dans chaque retraite ombrageuse, au fond des mystérieux bosquets. Tout semble nous parler de lui dans cette riante et fraîche nature, depuis le gazouillement des oiseaux jusqu’au clapotement de cette petite source qui coule au bas de la coulée. Ce ruisseau vous fait involontairement pensera ces vers qui terminent les Louanges d’Anjou :

Ô mon fleuve paternel,
Quand le dormir éternel
Fera tomber à l’envers
Celuy qui chante ces vers,
Et que par les bras amis
Mon corps bien près sera mis
De quelque fontaine vive
Non guère loin de ta rive ;
Au moins sur ma froide cendre
Fay quelques larmes descendre
Et sonne mon bruit fameux
À ton rivage écumeux !

Pauvre poète, ses amis ont fait peu de cas de son cher désir ! Qui sait seulement où sont ses cendres ! Les poètes du xixe siècle ont été plus heureux que ne semblent l’avoir été ceux du xvie. Musset a son saule au cimetière ; Brizeux repose dans sa terre de granit à l’ombre du chêne qu’il avait désigné ; Lamartine dort