Page:Séché - Joachim Du Bellay, 1880.djvu/64

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Nouveau venu qui cerche Rome en Rome,
Et rien de Rome en Rome n’apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.

Voy quel orgueil, quelle ruine et comme
Celle qui mist le monde sous ses lois
Pour donter tout, se donta quelquefois,
Et devint proye au temps qui tout consomme.

Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tybre seul, qui vers la mer s’enfuit,

Reste de Rome. Ô mondaine inconstance !
Ce qui est ferme est par le temps destruit,
Et ce qui fuit au temps fait résistance !

Comme tous les étrangers qui visitent Rome, il avait été pris, à l’aspect de ses ruines grandioses, de cette fièvre chrétienne de l’art dont parle Frédéric Ozanam

Que n’ay-je encor la harpe thracienne,
Pour resveiller de l’enfer paresseux
Ces vieux Césars et les ombres de ceux,
Qui ont basti cette ville ancienne !

Ou que je n’ay celle amphionienne
Pour animer d’un accord plus heureux
De ces vieux murs les ossements pierreux
Et restaurer la gloire ausonienne.

Peussé-je au moins d’un pinceau plus agile
Sur le patron de quelque grand Virgile
De ces palais les portraicts façonner :

J’entreprendrois, veu l’ardeur qui m’allume,
De rebastir au compas de la plume
Ce que les mains ne peuvent maçonner.