Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/130

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Je ne puis approuver les maximes des belles
Qui recommandent le secret ;
Un amant est assez discret
Quand on veut s’en tenir aux simples bagatelles.
Et puis, fût-il d’humeur à conter des nouvelles,
Il faudrait bien s’en consoler,
Car vouloir retenir les langues infidèles
C’est les contraindre de parler.

Quand on voudra changer d’amant ou de maîtresse
Pendant un mois on le dira
Et puis après on changera
Sans qu’on soit accusé d’erreur ou de faiblesse.
Mais on conservera toujours de la tendresse,
On se rendra de petits soins.
Car, entre deux amants, quand un grand amour cesse
Il faut être amis tout au moins.


ÉGLOGUE


Enfin, cher Clidamis, l’amour vous importune ;
Vous suivez le parti de l’aveugle fortune :
L’exemple des mortels qu’elle a précipités
Du suprême degré de leur prospérité ;
Des trônes renversés, des familles éteintes.
Qui troublent l’univers par leurs trop justes plaintes ;
La foule des héros qu’elle traîne au cercueil.
N’ont pu vous garantir de ce funeste écueil.
Pour elle vous quittez votre innocente vie,
Qui de tant de douceur avait été suivie ;
Pour elle vous quittez cet aimable séjour,
Où règnent pour jamais l’innocence et l’amour.
Le désir des grandeurs étouffe votre flamme ;
La cour et ses appas me chassent de votre âme,
Ma cabane n’est plus digne de vous loger :
Vous êtes courtisan et n’êtes plus berger.
Et bien, cher Clidamis, suivez votre génie.
Acquérez, s’il se peut, une gloire infinie,
J’y consens, j’y consens : mes amoureux soupirs
Ne troubleront jamais vos fastueux plaisirs.
Qu’un éternel oubli soit le prix de mes peines ;
Renoncez à mon cœur pour des chimères vaines.
À de lâches devoirs sacrifiez des jours
Dont les mains de l’amour devaient filer le cours.