MARCELINE DESBORDES-VALMORE[1]
C’est à Douai, le 20 juin 1786, que naquit Marceline-Félicité— Josèphe Desbordes. Son père était peintre en armoiries et ornements d’églises ; il avait épousé Catherine-Cécile Lucas, douaisienne de naissance, comme lui, mais d’origine suisse — comme lui encore. La Révolution ayant enlevé à Félix Desbordes son gagne-pain, sa femme résolut de partir pour la Guadeloupe où elle avait l’espoir de trouver de l’aide auprès d’un parent riche. Pour ce long voyage, elle emmena avec elle sa fille Marceline alors âgée de quatorze ans. Le malheur voulut qu’elles arrivassent à la Guadeloupe en plein soulèvement des noirs. Le parent qu’elles venaient voir est en fuite ; il a été complètement ruiné par l’insurrection. Par surcroît, Mme Desbordes gagne la fièvre jaune et meurt. La jeune Marceline revient seule en France et, pour vivre, elle chante et joue la comédie.
La vérité est qu’elle avait débuté sur les planches avant même d’aller à la Guadeloupe. Sa mère et elle avaient si peu d’argent qu’en attendant l’heure d’embarquer, la fillette monta sur des petits théâtres dans les différentes villes où elles passèrent. Elle témoignait d’une vive intelligence et il est aujourd’hui certain qu’elle s’amusait déjà à faire des vers. Revenue en France, Marceline reprit la vie de comédienne. En 1804, elle chante, avec succès, au Théâtre des Arts, à Rouen. Elle tient aussi les rôles d’ingénue dans la comédie. « On me jetait des bouquets, a-t-elle écrit sur cette période de sa vie, et je mourais de faim en rentrant, sans le dire à personne. » Sans être précisément belle, elle faisait impression. « C’était, nous dit quelqu’un qui l’a connue à ce moment, une de ces figures qu’on n’oublie point : un profil d’une grande pureté, des yeux bleus, de beaux cheveux blonds, quelque chose des races du Nord, des nobles filles de l’Écosse et du ciel d’Ossian… Son regard était doux et bon, sa voix ravissante. Dans son langage, dans son air, dans ses manières, une rare et constante distinction. Elle était frêle, pâle, semblait souffrante…… »
Ce fut vers la fin de 1804 qu’elle arriva à Paris. Le 29 décembre, elle débutait à l’Opéra-Comique. Mais elle gagnait si peu qu’elle abandonna bientôt la capitale pour courir de nouveau la province. Ce fut aussi vers cette époque qu’elle éprouva ses premières peines de cœur. Elle passa par de cruelles angoisses qu’elle avouera un jour, dans une lettre h Sainte-Beuve, et auxquelles elle rattachera ses premiers élans poétiques : « A
- ↑ Les intérêts des éditeurs n’étant pas les mêmes que ceux des poètes, il arrive parfois que, pour respecter les premiers, on néglige les seconds. Ainsi l’éditeur de.Mme Desbordes-Valmore nous ayant refusé la permission de reproduire ici un certain nombre de pièces de la divine poétesse, nous n’avions que doux partis à prendre, on rayer l’auteur des Pleurs de notre anthologie, ou lui ou lui consacrer un modeste chapitre critique. Bien que cela nuise à la physionomie de notre volume, c’est à cette seconde solution que nous nous sommes arrêté. De la sorte, l’éditeur verra ses droits inviolés et la mémoire de Mme Desbordes Valmore ne sera pas tout à fait trahie.