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PAULINE DE FLAUGERGUES

Il y aurait un bien curieux livre à écrire sur Henri de Latouche (1), poète.romancier et journaliste. Ce n’est pas que son œuvre soit de première importance, mais le rôle qu’il joua dans les lettres pendant une trentaine d’années, et les aventures de sa vie sentimentale, en font une des plus intéressantes personnalités de son époque. Eu 1819, il révèle André Chénier au public en éditant les poésies du grand élégiaque ; directeur du Figaro, il aide puissamment Georges Sand qui débute dans la littérature ; Desbordes— Valmore pleure pour lui ses vers admirables ; enfin, sur ses vieux jours il inspirera encore un dévouement infiniment touchant à la plus tendre des femjnes : Pauline de Flaugergues.

Elle était née à Rodez le 4 fructidor au vu (21 août 1799). Son père, Pierre-François Flaugergues, était un homme très distingué. Girondin convaincu, son irréductible opposition à Bonaparte lui fit perdre son emploi et fut cause de sa ruine complète. Il avait épousé une demoiselle Marie— Antoinette-Sophie Patris.

Pauline (Marie-Anne-Françoise) reçut une forte instruction : elle parlait plusieurs langues. — Très précoce, elle aima de bonne heure la littérature et, aux environs de sa douzième année, elle ébaucha ses premiers vers. Mais ses poésies, comme tant d’autres qu’elle fera par la suite, elle les gardera pour elle, sans songer jamais à en tirer vanité. Il faudra la ruine de sa famille pour la faire sortir de sa réserve. Alors, elle prend la plume Avec l’espoir de venir en aide aux siens. En 1827, elle publie La Grèce,. poème de William Haygarth, traduit de l’anglais ; puis, en 1835, La Violette d’or, lais imités do l’anglais. Entre temps, elle a accepté d’aller auprès de la jeune reine Dona Maria de Portugal, dans son château de Belem. Ce fut alors qu’elle ajouta une particule à son nom.

La mort de son père, survenue en 1836, la fit rentrer en France.

Comment elle connut Henri de Latouche ? On ne sait trop. — Toujours est-il qu’étant venue à Paris, dans l’intention de gagner sa vie avec sa plume, elle le fréquenta beaucoup… jusqu’au jour où elle s’en vint demeurer aupres de lui, dans sa petite maison de la Vallée-aux-Loups.

Je l’appelle tantôt mon enfanfet ma mère,
Près d’un lit résigné, c’est l’envoyé de Dieu.
C’est l’encens d’une fleur pour embaumer l’adieu !

Ainsi dira le vieux poète reconnaissant des soins de la tendre fllle. Il avait déjà connu plus d’un dévouement de femme, « aucun pourtant n’atteignait, — dit M. Ed. Pilon, — par sa grandeur dans le sacrifice, le profond attachement de cette modeste Flaugergues de qui l’âme poéticjue trouva dans l’amour d’un homme accablé, misanthrope et vieilli, l’aliment de tout<3 une vie de tendresse et de souffrance. »

(1) Hyncinthe-Joseph-Alexandro Thnbaud de Latouche (dit Henri de Latouche) né â la Châtre, dans le Berri, le 2 février 1785, mort à Auliiay près Paris, le 9 mars 1851.