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ANTOINETTE QUARRÉ

Antoinette-Suzanne Quarré était née à Recey-sur-Ource ; le 16 janvier 1813. Elle exerçait l’honnête mais très modeste profession de lingère. Lamartine, à qui on avait soumis les premiers essais poétiques de cette muse ouvrière, voulut bien envoyer ses encouragements à la jeune femme. C’est là, sans doute, l’événement le plus marquant de la vie littéraire d’Antoinette Quarré.

Ses Poésies ont été publiées à Dijon, en 1843. Elles valent surtout par leur sincérité. Pour le reste, l’influence du poète des Méditations se voit à chaque vers. — Comme chez presque toutes les poétesses —quelque soit leur talent 1 — c’est le sentiment amoureux, avec ses peines et ses joies, qui fournit à Antoinette Quarré sa plus heureuse inspiration.

ÉLÉGIE

Ainsi tu m’oubliais, quand mon âme enivrée,
Heureuse de t’aimer, et comptant sur ta foi.
Caressait en secret ton image adorée
Et ne songeait qu’à toi.

Ainsi tu l’as brisé, ce cœur dont la tendresse.
Naïve et se fiant à d’innocents lieua,
Etait naguère encor ta plus douce richesse,
Le plus cher de tes biens.

Toi ! qui m’as si souvent juré que l’existence
Par moi seule enchantée était belle à tes yeux,
Qu’en tes rêves chéris d’avenir, d’espérance,
J’étais pour toi les cieux.

Que ta voix était douce et ta lèvre éloquente,
Quand tu peignais tes maux, par moi seule adoucis,
Quand tu m’entretenais de ta flamme naissante,
A mes côtés assis !

Ah ! que je t’écoutais attendrie et charmée !
Dans quelle pure extase, et quels ravissements,
Mon ; "ime recueillait de ta parole aimée
Tous les divins accents.

Admirant ton respect pour ma sainte croyance.
Ton amour pour des rois proscrits et malheureux.
Ta foi chevaleresque et la noble constance
De ton cœur généreux ;