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christine de pisan

Venir chacune tenant ;
Plus de vingt en un tenant,
Dont l’un flajolant venait
Et l’autre un tambour tenait,
L’autre musette ou chevrette.
Il n’y avait si pauvrette
Qui ne fut riche d’ami !
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« Partir me faut sans demeur
Pour aller en tel voyage ! »
Ha Dieux ! comm’piteux visage,
Lassette, adonc je faisais !
Et par grant douleur disai :
« Or, me voulez-vous occire,
Ma douce amour, mon doux sire,
Que ja vous voulez partir !
Morte une fois, sans mentir.
Me trouverez au retour ;
Car je ne puis par nul tour
Souffrir longuement tell’peine ! »
Et lui adonc m’apaisait
Doucement et me baisait.
Disant : « Ma belle maîtresse,
Pour Dieu ! cette grand’détresse
Otez ; car trop il m’empoise !
Il convient que je m’envoise ;
Mais je reviendrai briefment.
Ainsi à Dieu vous commant »[1].
Me disait cil[2] que baisait
Cent fois ; et grand dueil faisait
Au départir, et toute heure
Tant comm’durait la demeure.


BALLADE


Tant avez fait par votre grand douceur,
Très doux ami, que vous m’avez conquise ;
Plus n’y convient complainte ni clameur ;
Jà n’y aura par moi défense mise.
Amour, le veut par sa douce maîtrise

  1. Pour je vous recommande.
  2. Celui