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LES MUSES FRANÇAISES

Trempe l’ardeur, dont jadis mon cœur tendre
Fut en brûlant demi réduit en cendre.
Je sens déjà un piteux souvenir.
Qui me contraint la larme à l’œil venir.
Il m’est avis que je sens les alarmes,
Que premiers j’eus d’amour ; je vois les armes
Dont il s’arma en venant m’assaillir.
C’était mes yeux, dont tant faisais saillir
De traits, à ceux qui trop me regardaient
Et de mon arc assez ne se gardaient ;
Mais ces miens traits, ces miens yeux me défirent,
Et de vengeance être exemple me firent.
Et me moquant, et voyant l’un aimer :
L’autre brûler et d’amour consommer
En voyant tant de larmes épandues.
Tant de soupirs et prières perdues,
Je n’aperçus que soudain me vint prendre
Le même mal que je soulois reprendre :
Qui me perça d’une telle furie,
Qu’encor n’en suis après longtemps guérie ;
Et maintenant me suis encor contrainte
De rafraîchir d’une nouvelle plainte
Mes maux passés. Dames, qui les lirez,
De mes regrets avec moi, soupirez.
Possible, un jour je ferai le semblable.
Et aiderai votre voix pitoyable.
À vos travaux et peines raconter,
Au temps perdu vainement lamenter.
Quelque rigueur qui loge en votre cœur.
Amour s’en peut un jour rendre vainqueur.
Et plus aurez lui été ennemies.
Pis vous fera, vous sentant asservies.
N’estimez point que l’on doive blâmer
Celles qu’a fait Cupidon enflammer.
Autres que nous, nonobstant leur hautesse,
Ont enduré l’amoureuse rudesse :
Leur cœur hautain, leur beauté, leur lignage.
Ne les ont su préserver du servage,
De dur Amour : les plus nobles esprits
En sont plus forts et plus soudain épris.
Semiramis, reine tant renommée.
Qui mit en route avecques son armée
Les noirs squadrons des Éthiopiens,
Et en montrant louable exemple aux siens,