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LOUISE LABBÉ

Et de nouvel ta foi je me fiance[1],
Et plus qu’humaine estime ta constance :
Tu es peut-être en chemin inconnu
Outre ton gré malade retenu.
Je crois que non : car tant suis coutumière
De faire aux Dieux pour ta santé prière
Que plus cruels que tigres ils seraient,
Quand maladie ils te pourchasseraient[2] :
Bien que ta folle et volage inconstance
Mériterait avoir quelque souffrance
Telle est ma foi, qu’elle pourra suffire
À te garder d’avoir mal et martyre
Celui qui tient au haut ciel son empire
Ne me saurait, ce me semble, dédire :
Mais quand mes pleurs et larmes entendrait
Pour toi priant, son ire il retiendrait.
J’ai de tout temps vécu en son service,
Sans me sentir coupable d’autre vice
Que de l’avoir bien souvent en son lieu[3]
D’amour forcé, adoré comme Dieu.
Déjà deux fois, depuis le promis terme
De ton retour, Phebe ses cornes ferme,
Sans que de bonne ou mauvaise fortune
De toi, Ami, j’ai eu nouvelle aucune,
Si toutes fois, pour être énamouré,
En autre lieu, tu as tant demeuré,
Si sais-je bien que ta mie nouvelle
À peine aura le renom d’être telle,
Soit en beauté, vertu, grâce et faconde
Comme plusieurs gens savants par le monde
M’ont fait à tort, ce crois-je, être estimée,
Mais qui pourra garder la renommée ?
Non seulement en France suis flattée
Et beaucoup plus que ne veux exaltée,
La terre aussi que Calpe[4] et Pyrénée
Avec la mer, tiennent environnée,
Du large Rhin les roulantes arènes.
Le beau pays auquel or’tu promènes
Ont entendu (tu me l’as fait accroire)

  1. Pour : je reprends confiance.
  2. S’ils t’envoyaient une maladie.
  3. En son lieu et place.
  4. Gibraltar.