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LES MUSES FRANÇAISES

Plus satisfaite, et encor glorieuse,
Sans mériter me trouver si heureuse,
Qu’on puisse voir mon nom en vos papiers[1].

II

De leurs grands faits les rares anciens
Sont maintenant contents et glorieux,
Ayant trouvé poètes curieux
Les faire vivre, et pour tels je les tiens.

Mais j’ose dire (et cela je maintiens)
Qu’encor ils ont un regret ennuyeux,
Dont ils seront sur moi-même envieux,
En gémissant aux Champs-Élysiens :

C’est qu’ils voudraient (pour certain je le scay)
Revivre ici et avoir un Bellay,
Ou qu’un Bellay de leur temps eût été.

Car ce qui n’est savez si dextrement
Feindre et parer, que trop plus aisément
Le bien du bien serait par vous chanté.

III

Le papier gros et l’encre trop épaisse,
La plume lourde et la main bien pesante.
Style qui point l’oreille ne contente,
Faible argument et mots pleins de rudesse

  1. Que votre nom se lise en mes papiers,
    Cela ne peut augmenter votre gloire,
    Qui de la main des filles de Mémoire
    Avez reçu les plus doctes lauriers.

    Le mien sans plus, qui entre les derniers
    Jusques ici a été peu notoire
    En vous louant, tâche avoir la victoire
    Sur nos neveux, et sur nos devanciers.

    Mais que ce los (Madame) ne vous tente
    De penser plus que ce qui se présente,
    C’est ce qui fait votre gloire augmenter.

    Toute louange est pour vous trop petite,
    Mais si mes vers sont de quelque mérite,
    C’est pour l’honneur qu’ils ont de vous chanter.

    Joachim Du Bellay.