Aller au contenu

Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée




COMTESSE EUGÉNIE KAPNIST




D’origine grecque par son père, la comtesse Eugénie Kapnist est née en Russie. Dès sa plus tendre enfance, elle apprit notre langue, « je priais en français », dit-elle. A douze ans, son père lui donne à lire Cliénier, qui était pour lui — comme pour elle aujoiird’hui — « le cher, le divin André Chénier ». Le comte Pierre Kapnist aimait les lettres ; — n’était-il point d’ailleurs le petit-fils de deux poètes russes renommés l — Lui-même écrivait ; il composa une tragédie sur « Cinq-Mars s> qui fut représentée après sa mort, avec un retentissant succès, au Théâtre Impérial de Moscou.

Toute jeune, Mme Kapnist vint en France et y demeura de longues années. Maintenant encore, elle partage son temps entre Paris, Athènes et Pétersbourg. — « La France, écrit-elle — patrie intellectuelle de mon esprit, la France qui m’apprit à penser et à travailler, car c’est en France que je fus élevée depuis mon enfance — recevra toujours l’hommage de ma reconnaissance et de mon admiration ».

Avoir choisi le français pour exprimer ce qu’on a de plus profond en soi, n’est-ce pas le plus bel hommage qui puisse être rendu à notre pays ! Mais la comtesse Kapnist tient encore à honorer la France dans ses poètes, elle voue un véritable culte à celui qui, entre tous, eut le plus tragique destin, au pur génie qui écrivit les Bucoliques, à André Chénier. Ayant découvert l’endroit, au cimetière de Picpus, où dort le doux élégiaque, elle eut une pieuse et poétique pensée : elle rapporta d’Athènes une plaque de marbre blanc svir laquelle elle fit graver ces mots : « André de Chénier — fils de la Grèce et de la France — 1762-1794 — servit les muses — aima la sagesse — mourut pour la vérité », — puis, elle fit sceller cette plaque au mur du petit enclos où repose auprès de treize cents victimes de la Terreur, l’illustre chantre d’Hermès.

Rendant compte du livre de Mme Eugénie Kapnist, M. Auguste Dorchain écrivait : < L’auteur n’est pas un artiste patient et volontaire, ni un capricieux dilettante, mais un poète vraiment soulevé par les grandes houles intérieures, et à qui l’on souhaiterait seulement de connaître davantage les strictes disciplines qui, jointes aux exaltations spontanées, font les chefs-d’œuvre. N’importe I Admirons en lui des dons précieux : une belle chaleur d’âme, un souci des grands sujets, l’amour des causes justes et vaincues, l’indéfectible espoir qu’un jour elles seront victorieuses. Cette inspirée véritable est digne d’être la prêtresse du culte d’André Chénier ».

Il y a du vrai dans ces éloges et ces critiques et pourtant, il semble bien que M. Dorchain n’a point rendu justice complète à l’auteur de l’Acropole. Ce qui paraît avoir retenu plus particulièrement son attention, ce sont ces pièces d’inspiration antique où l’influence de Chénier se lit à tout moment — qui forment la première partie, partie la plus volumineuse, du recueil