612 • LES MUSES FRANÇAISES
chant à la littérature qui conduit Mme de Noailles — et elle-même — à évoquer des pays féeriques et à décrire avec une semblable fausse réalité un paysage de France ou d’Italie. Mais ce sont là comparaisons qu’il est temps de cesser. Au surplus, cette parité s’arrête à la surface, et le talent de Mlle Hélène Vacaresco, sa personnalité — ont une véritable et très forte originalité.
Une des caractéristiques du talent de Mlle Vacaresco, est l’aisance surprenante avec laquelle, — après avoir dit, à mots doux, pleins d’une troublante suavité, d’exquises tendresses, — il lui est permis d’évoquer puissamment les gestes héroïques et farouches des vieilles races rou- maines, violentes, guerrières et à demi barbares. Tant de vigueur succé- dant à tant de grâce surprend, cependant qu’élargissant le champ d’inspiration du poète, elle lui crée une personnalité robuste et variée. Ainsi Mlle Vacaresco connaît et nous fait connaître dans son œuvre :
La volupté du verbe amoureux ou guerrier.
Avec un même bonheur, elle écrira des vers langoureusement ber- ceurs comme celui-ci :
Cette nuit, les fasmins sont amoureux et ivres.
Ou vibrants comme ces deux autres :
Quand je ne serai plus moi-même un feu vivant. Je voudrais devenir de la flamme et du vent.
C’est bien cela, Mlle Vacaresco est un « feu vivant ». Dans ses vers d’amour même, dans ses vers les plus mélancoliques, les plus doulou- reux, les plus doux, on sent déborder l’extraordinaire bouillonnement de sa vie. Qu’elle aime, qu’elle souffre ou que le bonheur gonfle son cœur, le « feu » qui brûle son sang d’orientale ne cesse pas de « vivre » un seul instant. Pas de mièvrerie dans son art, souvent très raffiné d’ailleurs, et quelquefois même entaché de mots outranciers et de néo- logismes de mauvais goût, pas de pâmoisons maladives, d’ivresses morbides. Elle ignore le dilettantisme de la névrose. Ses poèmes les phus désespérés- sont pleins de désirs mal contenus, pleins de cris mal étouffés, pleins de frémissements, pleins d’emportements. Elle est abattue, brisée, elle pleure : elle n’est jamais vaincue. La vie roule trop tumul- tueuse en elle pour cela. Mlle Hélène Vacaresco, — c’est une force réflé- chie et musicale.
BIIBLIOGRAPHIE. — Les Chants d’aurore, ouvrage couronné par l’Académie française, A. Lemerre, Paris, 1886, in-18. — L’Ame sereine, A. Lemerre, Paris. 1896, in-18. — Jéhovah, traduction d’un poème de Carmen Sylva. — Le Rhapsode de la Dambovitsd, recueil de ballades roumaines, traduites en frarçais, ouvrage couronné par l’Académie française, A Lemerre, Paris, 1900, in-18. — Lueurs et flammes, Plon-Nourrit et Cie, Paris, 1903. in-18. — Le Jardin passionné, Plon-Nourrit. Paris, 1908, ln-18. — Prose : Rois et reines que j’ai connus, Sansot et Cie, Paris.
CONSULTER. — M. BARRACAND, Revue Bleue, 1896. — M. BERTHET, Cronache della civilta Elleno-Latina (Rome), août-novembre 1906. — E. ARNAL, La Revue Française, Politique et Littéraire.