Page:Sée - Les Origines du capitalisme moderne.djvu/145

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Sans doute, en France, les manufactures royales et les manufactures privilégiées, à la création desquelles Colbert a attaché son nom, n’ont pas été sans influence sur la genèse de la grande industrie, qui devait se produire beaucoup plus tard. Encouragées par des primes et des subventions officielles, elles disposaient de capitaux plus considérables que la plupart des autres entreprises de l’époque ; elles pouvaient ainsi, tout au moins pour le finissage, se procurer un outillage relativement perfectionné. Les monopoles qu’on leur attribuait favorisaient aussi leur développement. L’œuvre de Colbert est donc loin de n’avoir aucune portée pour l’avenir : de nombreux îlots industriels ont émergé, de nouvelles industries ont été implantées en France et quelques-unes d’entre elles connaîtront un véritable succès. Mais, le plus souvent, les manufactures n’ont nullement le caractère d’établissements concentrés ; elles emploient sur une grande échelle la main-d’œuvre de l’industrie rurale ou domestique. Et, à cet égard, on ne peut signaler aucune transformation notable au XVIIIe siècle.

Cependant, en France, les manufactures ont constitué un facteur important de l’évolution industrielle ; la naissance de la grande industrie et du machinisme, comme l’a justement remarqué Ch. Ballot, a été, en grande partie, l’œuvre de l’État.

En Angleterre, au contraire, la grande industrie procède d’un effort spontané. Aussi les manufactures y ont-elles joué un rôle encore bien moins important qu’en France. Les Stuarts, il est vrai, les ont favorisées, lorsque, surtout dans un but fiscal, ils ont développé le système des monopoles ; ils en ont créé un certain nombre, par exemple, pour la fabrication du savon, du fil de fer, des cartes à jouer. Mais la nation s’éleva vigoureusement contre ces monopoles. Le mercantilisme, soutenu, créé même par la monarchie des Stuarts, disparut avec