Page:Ségur - Aprés la pluie, le beau temps.djvu/266

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Geneviève.

Oui, mon oncle, après les avoir comptés.

M. Dormère.

Et tu ne veux pas me la nommer ? Tu veux me laisser soupçonner tous les gens de ma maison, plutôt que de dévoiler un misérable, un voleur, qui me volera encore probablement. »

Geneviève ne répondit pas.

Pendant cet interrogatoire, Georges était plus mort que vif. Il comprenait enfin que Geneviève avait tout vu et entendu, et qu’un mot d’elle pouvait le perdre à jamais près de son père ; il tremblait qu’elle ne prononçât ce mot ; sa fermeté le rassura un peu, mais ne finirait-elle pas par céder devant une insistance à laquelle pouvaient se joindre de la colère et des menaces !

Un silence, effrayant pour le coupable, dura quelques minutes ; après quoi M. Dormère, se tournant vers Mlle Primerose et Georges, leur dit d’une voix très agitée :

« Ma cousine, Georges, faites-lui comprendre qu’en voulant faire de la générosité, elle fait un mal réel ; comment puis-je vivre tranquille sachant que j’ai dans ma maison un voleur, un assassin peut-être, car il n’y a pas loin d’un vol aussi impudent à un meurtre ? Et comment puis-je faire à des gens honnêtes, à d’anciens serviteurs comme Rame, Julien, Pierre et les autres, l’injure et l’injustice de les soupçonner, de les chasser, pour une action si vile, si abominable ? — Je ne puis pourtant pas rester dans cette incertitude ; parlez-lui,