Page:Ségur - Comédies et proverbes.djvu/270

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pagnon de chaîne à Brest ; que tu as fait tes cinq ans ; que tu fais l’honnête homme à présent pour dévaliser quelque oison du pays, et que je t’attends au bagne où je te recommanderai et où je te ferai ton affaire, traître, faux frère, canaille que tu es.

Valentin, pâle comme un spectre, jette sur le mendiant un regard douloureux et dit d’une voix étouffée.

L’Ermite, tu m’as perdu, tu m’as tué ! Mais je te pardonne comme le bon Dieu m’a pardonné mes offenses. J’ai volé, il est vrai ! Je me suis déshonoré ! Mais je crois et j’espère que les souffrances du bagne ont tout expié et m’ont réhabilité devant le Dieu de miséricorde. Devant les hommes je reste un misérable, un maudit. Seul, le saint serviteur de Dieu, le consolateur des malheureux, m’a pris en pitié et en grâce, tout en sachant ce que j’étais… Je te donne, l’Ermite, l’argent que tu m’as pris ; puisse-t-il te profiter ; c’est l’argent d’un honnête homme, et honorablement gagné. (Le curé serre Valentin dans ses bras ; Désiré se jette à son cou en sanglotant ; Valentin, attendri, les embrasse. Mme Clopet s’essuie les yeux. M. Pupusse est stupéfait. Le brigadier s’approche de Valentin et lui donne une poignée de main ; les deux gendarmes en font autant. Le mendiant fait tomber un des gendarmes par un croc-en-jambe, assomme l’autre d’un coup de poing et se précipite à la porte pour sortir et se sauver. Le brigadier le saisit au collet et lutte contre lui. Avant que personne ait eu le temps de se reconnaître, le mendiant tire un couteau caché dans ses vêtements et le lève pour frapper le brigadier en pleine poitrine ; Valentin, qui a suivi avec anxiété les mouvements du mendiant, s’élance au-devant du brigadier, reçoit le