Page:Ségur - Comédies et proverbes.djvu/72

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prendre et garder mes deux sœurs, Blanche et Laurence.

Léontine.

Les prendre ! Les garder ! Mais j’allais justement t’écrire que je les mettais au couvent.

Pierre, se contenant.

Et c’est parce que je l’ai su que je suis venu immédiatement les chercher pour leur épargner ce chagrin et cette humiliation.

Léontine.

Comment l’as-tu su ?

Pierre.

Mes petits cousins du Pilet me l’ont écrit ; et j’en ai reçu la confirmation, avec des détails que j’ignorais, par une lettre de Blanche et de Laurence.

Léontine.

Et pourquoi blâmes-tu ce parti, que j’ai dû prendre dans leur intérêt ?

Pierre, avec chaleur.

Parce que je suis leur frère, parce que je les aime, parce que je les sais malheureuses, livrées sans défense aux caprices d’une enfant gâtée, volontaire et méchante. Parce que j’ai su votre faiblesse envers cette enfant, et votre dureté, votre injustice envers mes pauvres sœurs. Ta fille, Léontine, t’a trop fait oublier tes autres liens de famille. Tu as oublié que ma pauvre mère, sur son lit de mort, nous a confié le soin du bonheur de nos sœurs ; tu les as prises comme des jouets pour ta fille, et maintenant, pour compléter ton abandon, tu veux les séparer de leur famille, les enfermer sans avoir égard à leur innocence et à leurs larmes. Voilà pourquoi, moi, chef de famille, protecteur