Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tite demoiselle Gertrude est partie en courant pour nous chercher un pain, parce que mon homme prétend qu’il n’a plus de forces et qu’il boulerait en chemin. C’est-y une raison à donner, ça, quand tout le monde se met à l’ouvrage pour lui et qu’il n’a qu’à tourner ses dix doigts.

Le général.

Gertrude est allée elle-même vous chercher du pain ?

Mère Marcotte.

Oui, monsieur le comte, sans que j’aie pu l’en empêcher. Et ce fainéant, qui n’a pas plus bougé qu’un homme de bois !

Le général.

Gertrude est une bonne fille, et vous, mère Marcotte, vous êtes trop dure pour votre pauvre mari. Songez donc qu’il a soixante-douze ans, et qu’à cet âge on ne fait pas la journée d’un homme de quarante… Père Marcotte, laissez crier votre femme, et venez nous faire voir où il faut placer votre pipe de cidre.»

Marcotte suivit le général avec empressement. Les gens du château lui arrangèrent son tonneau de cidre sur chantier. Ensuite on lui tassa son bois dans la petite cave ; on plaça les bourrées et les fagots dans le grenier ; ce fut la fin de l’emménagement, et tout le monde repartit. Le général dit aux domestiques d’aller se rafraîchir au château avec quelques bouteilles de vin, et lui-même partit tout doucement pour aller à la rencontre de Gertrude. Il la vit accourir de loin avec