Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/66

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Je t’en ai donné une bonne dose, mais cela ne comptera pas ; nous n’en dirons rien au maître. »

Mme d’Orvillet sourit, donna une poignée de main au bon chemineau, et s’éloigna en disant :

« Je vous enverrai la voiture aussitôt que je serai arrivée ; ce n’est pas loin ; nous en avons pour dix minutes. »

Le chemineau remercia encore, salua et s’assit près de son ennemi, ne quittant pas le gourdin ni sa baguette en fer.

« Ne bouge pas ; au premier mouvement que tu fais, je t’assomme avec ma baguette et je te pique avec la pointe. »

L’ours semblait avoir compris ; les reins brisés par le gourdin, la gueule ensanglantée par le pieu, il resta étendu, grognant douloureusement, mais ne cherchant pas à se relever.

Une demi-heure après, la carriole était arrivée ; on eut de la peine à y faire entrer l’ours ; le chemineau se plaça derrière lui, pour le tenir en respect, disait-il. Mme d’Orvillet lui avait envoyé une bouteille de bon vieux vin, qui lui fit grand bien, et un paquet de linge pour panser ses blessures. Elle avait recommandé qu’on le menât chez un médecin, et qu’ensuite on le ramenât jusque chez lui.

L’ours fut rendu au maître, qui le débarrassa de son bâillon, le roua de coups et le renferma dans sa cage avec du pain et de l’eau pour toute nourriture.

Le chemineau reçut les cent francs promis, fut