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Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/163

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demandaient du silence, les hurlements obstinés des chanteurs, mirent en émoi tous les habitants de la maison ; ils se joignirent aux gens du dehors pour forcer l’entrée, et lorsque enfin M. Pontois, effrayé du tumulte extérieur et craignant une invasion par les fenêtres, se décida à ouvrir la porte d’entrée, une avalanche d’hommes, de femmes, d’enfants se précipita dans l’appartement ; le tumulte, le désordre furent à leur comble ; Abel et le prétendu Caïn en profitèrent pour quitter le champ de bataille, et se trouvèrent dans la rue riant aux éclats de leurs chants improvisés et discordants. En arrivant dans la rue, ils arrêtèrent une escouade de sergents de ville qui accouraient au secours des victimes égorgées ; ils leur expliquèrent la cause de tout ce bruit.

« C’est une plaisanterie qui aurait pu devenir fâcheuse, dit un des sergents de ville.

— N’est-ce pas ? Ça n’a pas de bon sens, dirent en chœur Caïn et Abel. Aussi nous avons quitté la partie ; les salons sont pleins, on y étouffe. C’est à n’y pas tenir. »

Les deux amis s’en allèrent enchantés de leurs succès.

« Je déteste les épiciers, dit Abel.

Caïn.

Pourquoi les détestes-tu ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?

Abel.

Rien du tout ; mais leurs airs goguenards, impertinents, leur aisance et leur sans-gêne, leur esprit