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Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/176

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laquelle il avait versé du kirsch. Jean avait chaud. Le café et le kirsch lui firent grand bien et surtout grand plaisir. Le café commençait à se remplir ; les habitués arrivaient.

M. Abel.

Dis donc, Jean, tu ne m’as pas dit chez qui nous aurions un bal ?

Jean.

Monsieur, c’est chez des gens très comme il faut ; des marchands de meubles d’occasion, amis de M. Pontois, qui ont un grand appartement dans la rue Saint-Roch.

M. Abel.

Beau quartier ! Belle rue !

Jean.

Le quartier est beau, c’est vrai ; mais je demande pardon à monsieur si je ne suis pas de son avis quant à la rue. Je ne la trouve pas belle, moi.

M. Abel.

C’est que tu n’as pas de goût, mon ami ; vois donc quels avantages on y trouve. D’un côté à l’autre de la rue on peut se donner des poignées de main sans se déranger ; le soleil ne vous y gêne jamais ; dans l’été, on y a frais comme dans une cave : il fait tellement sombre dans les appartements, que les yeux s’y conservent jusqu’à cent ans. Ce sont des avantages, de grands avantages, qu’on trouve de moins en moins dans Paris. »

Jean le regardait, moitié étonné, moitié souriant.

« Vous vous moquez de moi, monsieur, dit-il enfin.