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Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/247

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Je crains qu’elle ne soit plus forte que moi. Je suis à bout de raisonnements. Faites-lui comprendre que je ne vaux pas le bon Dieu.

Hélène.

Marie, c’est le bon Dieu qui m’a fait venir à ton secours quand ta bonne t’a abandonnée ; c’est le bon Dieu qui te fait vivre, qui a permis que le bon M. Kersac te connaisse et t’aime ; c’est le bon Dieu qui te garde et te protège jour et nuit ; il t’aime, il veut que tu sois heureuse toujours ; tu vois bien que tu dois l’aimer plus que tout le monde.

Marie.

C’est vrai, mère, c’est vrai ; je l’aime et je l’aimerai plus encore, je vous le promets.

Kersac, riant.

Et moi, Marie, comment m’aimeras-tu assez pour m’empêcher d’être jaloux ?

Marie.

Vous ? Oh ! vous savez que je vous aime bien, que je vous aimerai toujours. (Elle l’embrasse et lui dit à l’oreille : « plus que tout le monde… vous comprenez ? ») Et puis c’est vilain d’être jaloux ; et vous ne ferez jamais rien de vilain. »

Le dîner était prêt ; ils se mirent à table. Kersac rit longtemps de la promesse de sa fille adoptive et mangea comme un homme qui vient de faire sept lieues et qui est encore à jeun à une heure de l’après-midi. Marie dévorait ; le gigot était cuit à point, l’omelette était excellente, la salade était bien assaisonnée, le beurre était frais, le pain était tendre, les convives étaient heureux ;