Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/281

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je pouvais tout vous dire ici, vous confier toutes mes joies, toutes mes peines, vous aimer à mon aise.

M. Abel.

Pauvre enfant ! Tu m’aimes donc bien ?

Jean.

Si je vous aime ! si je vous aime ! comme un père, comme un bienfaiteur. »

Jean ne dit plus rien. M. Abel acheva son déjeuner en silence. Il se leva, chercha Simon des yeux.

« Amène-moi Simon, mon enfant ; j’ai quelque chose à lui dire. »

Jean l’amena tout de suite.

« Simon, lui dit-il, j’ai vu hier M. Amédée ; j’ai obtenu de lui que ton mariage aurait lieu vers le Carême, et qu’en attendant tu entrerais chez lui pour te mettre au courant de son commerce. Il te loge et te reçoit chez lui dès demain. M. Métis consent à ce brusque départ… Je te renverrai Jean dans une heure. Au revoir, Simon ; et toi, Jean, viens avec moi et prends courage, tu seras heureux chez Mme de Grignan.

Jean.

Je n’en doute pas, monsieur. Ce n’est pas ce qui m’inquiète ; c’est ce que je vous disais au café, monsieur.

M. Abel.

Oui, oui, mon ami, je le sais bien ; mais vois donc si ce n’est pas de même pour tous, partout et toujours. On se sépare sans cesse de ceux qu’on aime. »