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Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/345

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M. de Grignan, et garda dans sa main la main de Roger.

Roger pressa légèrement, bien légèrement (car la force lui manquait) la grosse main de Kersac ; Jean se tenait près d’eux ; il regardait tantôt Roger, tantôt Kersac. Si M. Abel avait pu voir l’expression de son regard, il eût fait un cinquième tableau de cette scène touchante, dont l’âme, le héros, était un enfant de dix ans, bien près de la mort.

Le silence, l’immobilité, amenèrent chez Roger un calme, un bien-être qui finit par le sommeil ; quand Mme de Grignan le vit endormi, elle dégagea tout doucement la main de Roger de celle de Kersac, fit signe à ce dernier de ne pas faire de bruit et de s’en aller avec Jean ; puis elle fit de la main un signe amical à Kersac, qui sortit avec Jean.

Il ne regarda pas le beau salon en s’en allant, il ne dit pas une parole ; arrivé dans la chambre de Jean, Kersac s’assit et essuya ses yeux du revers de sa main.

Kersac.

Je ne me souviens pas d’avoir été émotionné comme je l’ai été chez ce pauvre enfant. Je me suis senti remué jusqu’au fond de l’âme ! Ce petit être souffrant, si doux, si tranquille, si heureux ! Et puis cette pauvre mère qui pleure, mais qui ne se plaint pas. Et tout ça si calme et sentant la mort ! Jamais je n’oublierai les instants que j’ai passés là. J’y serais resté des heures si l’on avait bien voulu m’y laisser. »

Il finit pourtant par se remettre ; Jean chercha à