Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/42

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Jeannot, tombant à genoux et pleurant.

Je n’ai rien que ce qu’il me faut tout juste pour ne pas mourir de faim, monsieur. Grâce pour mon pauvre argent ! Grâce, au nom de Dieu !

L’étranger.

Pas de grâce pour l’ingrat, le lâche, l’avide, le jaloux. J’ai tout entendu. Donne vite. »

L’étranger mit sa main dans la poche de Jeannot, et enleva les dix francs vingt-cinq centimes qui s’y trouvaient. Jeannot se jeta à terre et pleura.

« Monsieur, dit Jean, touché des larmes de son cousin et un peu ému lui-même de la perte de sa fortune, ayez pitié de lui ; rendez-lui son argent.

L’étranger.

Pourquoi le rendrais-je à lui et pas à toi ?

Jean.

Parce que moi j’ai du courage, monsieur ; et lui est faible. C’est le bon Dieu qui nous a faits comme ça ; ce n’est pas par orgueil que je le dis.

L’étranger.

Tu es un bon et brave petit garçon, et nous en reparlerons tout à l’heure. Où allez-vous ?

Jean.

À Paris, monsieur.

L’étranger.

C’est donc bien décidé ? Et comment y arriverez-vous sans argent ?

— Oh ! monsieur, je n’en suis pas inquiet. De même que nous avons eu le malheur de vous rencontrer, de même nous pouvons rencontrer une bonne âme charitable qui nous viendra en aide. »