Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/52

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Jean.

J’avais donc raison ! Vous n’êtes pas un voleur ! Je l’avais deviné bien vite à votre mine. Mais, monsieur, puisque vous restez dans le pays, voulez-vous tout de même donner à maman les vingt francs que voici. »

Jean lui tendit les vingt francs. L’étranger sembla hésiter ; mais il les prit, les remit dans sa poche, et serra la main de Jean en disant :

« Ils seront fidèlement remis ; je te le promets.

— Merci, monsieur », répondit Jean tout joyeux.

Ils continuèrent leur route : Jean gaiement ; l’étranger avec une satisfaction visible, et témoignant une grande complaisance pour son petit protégé ; Jeannot, triste et ennuyé du guignon qui le poursuivait et le mettait toujours au-dessous de Jean.

« Voyez, pensa-t-il, cet étranger, qui ne le connaît pas plus qu’il ne me connaît, se prend de goût pour lui, et moi il ne m’aime pas ; il appelle Jean mon ami, mon brave garçon, et moi, pleurard, pleurnicheur, jaloux ! Il cause avec Jean ; il semblerait qu’ils se connaissent depuis des années ! Et moi, il ne me parle pas, il ne me regarde seulement pas. C’est tout de même contrariant ; cela m’ennuie à la fin. À Paris, je tâcherai de me séparer de Jean, et de me placer de mon côté. »

Ils arrivèrent à la ville ; il était dix heures. L’étranger les mena à l’hôtel où il était descendu. Il fit servir un déjeuner bien simple, mais copieux. Ils mangèrent du gigot à l’ail, une omelette au