Page:Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/308

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lette qui fut longue et qui mit en évidence toute l’ampleur de sa personne. Grande tenue de lieutenant général, uniforme brodé d’or, culotte blanche, bottes vernies, le grand cordon de Sainte-Anne et de Saint-Alexandre, des plaques en diamants, l’épée avec une poignée en diamants, et une foule de décorations de pays étrangers à la Russie.

Elfy ne tarda pas à paraître, jolie et charmante, avec sa robe de taffetas blanc, son voile de dentelle, sa couronne de roses blanches et de feuilles d’oranger. Des boucles d’oreilles, une broche et des épingles à cheveux en or et perles complétaient la beauté de sa toilette et de sa personne. Madame Blidot avait une toilette élégante appropriée à ses vingt-neuf ans et à son état de veuve. Moutier avait son riche costume de zouave tout neuf, qui faisait valoir la beauté de sa taille et de sa figure. Les enfants étaient gentils et superbes. Dérigny était proprement habillé, sans élégance et tout en noir. Seul, il avait une teinte de tristesse répandue sur son visage. Ce mariage lui rappelait le sien, moins brillant, avec le même bonheur en perspective, et ce bonheur s’était terminé par une longue souffrance. Il craignait aussi pour ses enfants les changements qu’amènerait certainement ce mariage. Et puis, son retour à lui ne l’obligerait-il pas à séparer ses enfants d’avec madame Blidot qu’ils aimaient tant ? La proposition du général lui revenait sans cesse ; il ne savait quel parti prendre : la rejeter, c’était replonger ses enfants dans la misère : l’accepter, c’était assurer leur avenir ; mais à quel prix ! Quel voyage ! quelle position incertaine ! quel climat à affronter ! Et quel chagrin à leur infliger que de les priver des soins et de la tendresse de madame Blidot ! Ce furent ces réflexions, réveillées par le mariage d’Elfy