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L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.

de haillons, qui sortit de derrière une porte et qui, se redressant promptement, resta demi-incliné devant son terrible maître.

« Pourquoi es-tu ici ? pourquoi n’es-tu pas à la cuisine ? Comment oses-tu venir écouter ce qu’on dit ? Réponds, petit drôle ! réponds, animal ! »

Chaque réponds était accompagné d’un coup de pied qui faisait pousser à l’enfant un cri aigu ; il voulut parler, mais ses dents claquaient, et il ne put articuler une parole.

« À la cuisine, et demande à ma femme un bon dîner pour monsieur ; et vite, sans quoi ?… »

Il fit un geste dont l’enfant n’attendit pas la fin et courut exécuter les ordres du maître, aussi vite que le lui permettaient ses petites jambes et son état de faiblesse.

Moutier écoutait et regardait avec indignation.

« Assez, dit-il en se levant ; je ne veux pas de votre dîner ; ce n’est pas pour m’établir chez vous que je suis venu, mais pour avoir des renseignements sur madame Blidot. Ceux que vous m’avez donnés me suffisent ; je la tiens pour la meilleure et la plus honnête femme du pays, et c’est à elle que je confierai le trésor que je cherchais à placer. »

L’aubergiste gonflait de colère à mesure que Moutier parlait ; mais lorsqu’il entendit le mot de trésor, sa physionomie changea ; son visage de fouine prit une apparence gracieuse et il voulut arrêter Moutier en lui prenant les bras. Au mouvement de dégoût que fit Moutier en se dégageant de cette étreinte, Capitaine s’élança sur l’aubergiste, lui fit une morsure à la main, une autre à la jambe, et allait lui sauter à la figure, quand Moutier le saisit par son collier et l’en-