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Page:Ségur - La soeur de Gribouille, Hachette, 1886.djvu/174

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de se faire entendre ! Il m’agonisait de sottises ; il sautait sur moi et me donnait des coups de bec, que j’en saignais. Ah ! coquin, lui ai-je dit, tu crois, parce que tu fais rire les maîtres, que tu seras le plus fort ; attends, mon garçon, à nous deux ! Et voilà que je l’empoigne par le cou et que je lui noue le bec avant qu’il ait seulement eu le temps de crier au secours. C’est qu’il l’aurait fait ! Mais, une fois ficelé, c’est moi qui riais, et lui qui faisait une mine,… une mine si piteuse ! Ha ! ha ! ha ! j’en ris encore.

— Pauvre Gribouille ! dit Caroline en le regardant avec une tendre pitié. Pauvre Gribouille !

gribouille.

N’est-ce pas ? C’est que j’étais réellement à plaindre.

caroline.

Oui, oui ; mais va tout préparer pour le dîner et arrange un beau dessert.

Gribouille partit en chantant. Caroline le suivit des yeux, puis retourna aux fourneaux et passa un mouchoir sur sa figure pour essuyer quelques larmes qui coulaient malgré elle. « Pauvre frère ! se dit-elle, j’ai beau le faire taire, l’aider à son ouvrage, arranger ses paroles, madame le prend de plus en plus en grippe. Il ne m’écoute plus comme jadis : il devient colère, impertinent. Ce perroquet le met hors de lui. Je sens qu’il sera bientôt impossible à madame de le garder à son service. Sans monsieur, elle l’aurait chassé depuis