Le général devint pourpre ; ses yeux prirent l’aspect flamboyant qui leur était particulier dans ses grandes colères. Il fut quelque temps sans parler et dans une grande agitation.
« La misérable ! s’écria-t-il enfin. La scélérate !… C’est qu’elle pourrait réussir ! Une dénonciation est toujours bien accueillie dans ce pays, surtout quand il y a de la Pologne et du catholique sous jeu. Et nous voilà avec notre pauvre Romane ! Si elle découvre quelque chose, nous sommes tous perdus ! Que faire ? Dérigny, mon ami, venez-moi en aide. Que feriez-vous pour sauver mes pauvres enfants Dabrovine, et vous et les vôtres, des serres de ce vautour ?
Contre des maux pareils, mon général, je ne connais qu’un moyen, la fuite.
Et comment fuir, six personnes ensemble ? Et comment vivre, sans argent, en pays étranger ?
Pourquoi, mon général, ne prépareriez-vous pas les voies en vendant quelque chose de votre immense fortune ?
Tiens, c’est une idée !… Bonne idée, ma foi !… Je puis vendre ma maison de Pétersbourg, celle de Moscou, puis mes terres en Crimée, celles de Kief, celles d’Orel ; il y en a pour six à sept millions au moins… Je vais écrire dès demain.