Page:Ségur - Le général Dourakine.djvu/269

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et, saisissant le plette (fouet) destiné à faire sentir aux malheureux paysans le joug de leurs nouveaux maîtres, elle courut à eux et eut le temps de distribuer quelques coups de ce redoutable fouet avant que leurs mains tremblantes eussent pu ouvrir la porte, et que leurs jambes, affaiblies par la terreur, les eussent portés assez loin pour fatiguer la poursuite de leur mère.

Mme Papofski s’arrêta haletante de colère, laissa tomber le fouet, réfléchit aux moyens de s’affranchir de la défense de son oncle.

Après un temps assez considérable passé dans d’inutiles colères et des résolutions impossibles à effectuer, elle se décida à aller à Smolensk, à voir le capitaine ispravnik, et à chercher à le corrompre en lui offrant des sommes considérables pour déchirer les actes par lesquels le comte Dourakine donnait la liberté à ses gens et défendait à sa nièce d’infliger aucune punition corporelle à ses paysans, ce qui serait un obstacle à l’augmentation de l’abrock, etc. Elle rentra au château, assez calme en apparence, ne s’occupa plus de ses enfants, et ordonna au cocher d’atteler quatre chevaux à la petite calèche de son oncle. Une heure après, elle roulait sur la route de Smolensk au grand galop des chevaux.