Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces lettres changèrent entièrement les dispositions fâcheuses de Bonard à l’égard de son fils ; au lieu d’en rougir, il en devint fier et ne laissait pas échapper une occasion de parler de son fils et des éloges que faisait de lui son colonel.

Quand M. Georgey dut partir pour l’Algérie, Bonard lui envoya une lettre pleine d’affection et d’encouragement pour Frédéric, le bénissant, l’appelant son cher fils, la gloire de son nom, l’espoir de ses vieux jours, etc.

Pendant cette année, que devenait Alcide ? Le hasard l’avait fait entrer dans le même régiment que Frédéric ; seulement, et pour le grand bonheur de ce dernier, l’escadron d’Alcide fut envoyé dans une autre garnison assez éloignée.

Mais un jour, jour fatal qui se trouva être celui du départ de M. Georgey pour l’Afrique, l’escadron de Frédéric reçut l’ordre de joindre l’autre. Huit jours après ils étaient réunis, et Frédéric reconnut avec effroi qu’Alcide faisait partie du régiment. Alcide, lui, fut enchanté de cette découverte ; il résolut de s’appuyer sur Frédéric, qu’il savait bien vu du colonel, et dont l’excellente réputation au régiment corrigerait la sienne qui était très mauvaise.

« Quand on nous verra amis, pensa-t-il, on me considérera davantage et on ne me fera plus faire toutes les corvées du service. Il faudra tout de même que je ménage ce Frédéric. Pas un mot du passé ; il m’éviterait si je lui en parlais. Non, non, pas si bête. Je ferai l’honnête homme, le saint homme même, au besoin. Je le flatterai, je lui