Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/285

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nal, et ivre comme eux ? C’est incroyable ! Un si bon soldat ! Jamais de consigne ! Jamais à la salle de police !… Ils l’auront grisé ! Pauvre garçon ! Va-t-il avoir du chagrin demain, quand il aura cuvé son vin et qu’il se réveillera au cachot ! »

Le maréchal des logis sortit triste et pensif ; il alla faire son rapport au lieutenant de semaine. Le lieutenant au capitaine. Le soir même, le colonel fut informé de ce qui s’était passé.

« Pauvre garçon ! s’écria-t-il. Mauvaise affaire ! Impossible à arranger. Une lutte entre un soldat et son maréchal des logis ! C’est la mort, ou tout au moins vingt ans de boulet. Pour l’autre, cela ne m’étonne pas. Un mauvais drôle ! Toujours sur la liste de punitions ! Ce matin même j’avais prévenu Bonard de se méfier de ces mauvais garnements. Et il m’avait promis de se séparer d’eux. Pauvre garçon ! Et mon ami Georgey ! Il va être bien peiné. Il me l’avait tant recommandé. »

Le soir même, la fatale nouvelle se répandit dans les deux escadrons. On ne parla pas d’autre chose dans toutes les chambrées. Chacun plaignit Frédéric ; Alcide n’en fut que plus détesté ; car on supposa avec raison que c’était lui qui avait fait boire Bonard et qui avait causé son malheur.