Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/284

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alla retrouver sa sœur et lui demanda où était ce miroir dont lui avait parlé la reine.

« Le voici, dit Modeste en le lui présentant ; c’est lui qui a été mon maître, qui m’a empêchée de mal faire et qui m’a montré à bien faire. »

Insatiable le prit, y jeta un coup d’œil et poussa un cri d’effroi, mais elle ne put en détacher ses regards ; elle voyait tout le mal dont elle s’était rendue coupable depuis sa naissance ; elle ne pouvait en croire ses yeux. Quand elle eut tout vu, elle tomba dans les bras de sa sœur et pleura amèrement. Modeste chercha vainement à la consoler ; le souvenir des maux qu’elle avait causés la poursuivait jour et nuit ; elle ne dormait pas, ne mangeait plus. Enfin elle tomba dans un état si alarmant, que Modeste envoya un exprès au roi et à la reine ; ils arrivèrent tous deux, et, voyant leur fille si mal, ils appelèrent Prodigue à leur secours. La fée arriva triste et morne.

« Je n’y puis rien, dit-elle ; c’est sa conscience qui la fait mourir ; elle sent que le monde la hait, la méprise, et qu’elle ne peut vivre ; mais elle se repent, on lui pardonnera. »

Insatiable, se sentant mourir, demanda pardon au roi, à la reine, à sa sœur, à toute la cour, et expira dans les bras de Modeste. On la regretta peu, tout en pleurant sa triste mort. La reine et le roi se regardèrent aussi dans le miroir de la fée Bonsens. Effrayés des fautes de leur vie, ils résolurent de s’amender et de reprendre chez eux la princesse Modeste, exilée depuis tant d’années.