Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/330

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mais elle croyait avoir le temps d’arriver avant la nuit dans une autre ville qui était à dix lieues plus loin. Il avait beaucoup plu depuis quelques jours ; les chemins étaient horribles ; des ornières, des trous, des pierres ! La voiture sautait, penchait à faire croire qu’elle allait tomber ; les chevaux allaient au pas, s’arrêtaient à chaque instant. Pour rendre le voyage plus difficile encore, voilà un orage terrible qui commence ; le vent souffle avec une telle violence que de tous côtés on entend des branches se briser et tomber ; la pluie tombe à torrents, la grêle fouette le nez et le dos des chevaux ; le postillon, le domestique sont trempés ; le tonnerre commence à gronder ; les éclairs se suivent sans interruption ; les chevaux refusent d’avancer. Ma tante était désolée d’avoir continué sa route ; elle appelle son domestique.

« Fritz, dit-elle, n’y a-t-il pas un village ou une ferme près d’ici, où nous pourrions nous arrêter pour la nuit ?

— Je ne sais, madame ; je vais demander au postillon. »

Il revint un instant après pour annoncer à ma tante qu’à cent pas plus loin il y avait une auberge habitée par deux hommes et une femme, mais que cette auberge manquait de tout, et qu’on y serait très mal.

« Nous serons toujours mieux qu’ici, sur la grande route, dit ma tante. Tâchez, Fritz, d’y faire arriver nos chevaux, pour que nous y passions la nuit. »