Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/339

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noire ; elle marcha à tâtons, longeant le mur de l’auberge, et se sentit enfin à l’abri ; elle pensa que ce devait être un hangar, et, s’avançant toujours, elle sentit quelque chose de chaud sous sa main. C’était un animal quelconque, un veau sans doute ou une vache. Elle resta près de l’animal inconnu, qui ne devait pas être méchant, puisqu’il ne faisait entendre aucun bruit et ne témoignait aucune contrariété de cette visite inattendue ; mais, à un mouvement qu’elle fit, elle entendit un grognement très fort qui la fit reculer de quelques pas.

Peu d’instants après, la lune se leva ; ma tante put distinguer les objets et vit avec effroi qu’elle était à deux pas d’un ours attaché au mur par une chaîne, et qui tirait dessus de toutes ses forces pour arriver jusqu’à elle et sans doute pour la dévorer. Sans la peur que lui causait l’aubergiste, elle aurait poussé des cris à éveiller toute la maison ; mais, n’osant crier, ne sachant où étaient son domestique, sa femme de chambre et le postillon, elle eut la force de se taire et de ne pas tomber, malgré le tremblement de tout son corps. Elle recula pourtant de quelques pas et se sentit encore arrêtée par quelque chose qui remuait et s’agitait violemment ; elle se retourna : c’était un loup dont elle écrasait la queue ; heureusement qu’on l’avait muselé, sans quoi ma pauvre tante eût été dévorée. Pour le coup elle perdit tout son courage et se mit à pousser des cris lamentables. La porte de la maison resta fermée, personne n’en sortit, mais la porte de l’écurie s’ouvrit ; Fritz et le postillon se montrèrent à moitié