Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/54

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Aucun des enfants ne répond, mais tous restent immobiles, regardant avec effroi leurs habits tachés, leurs visages et leurs mains noircis, et les traces d’encre dont ils sont entourés.

« Eh bien ! qu’y a-t-il donc ? dit la maman en entrant ; est-ce que vous ?… »

Elle aperçoit les dégâts commis et reste stupéfaite. La surprise lui coupe la parole.

« Ah ! ah ! dit-elle, voilà une jolie occupation ! Tous mes meubles tachés, des rideaux pleins d’encre ; des mains et des visages de nègres. Très bien !… Vous resterez à dîner comme vous êtes ; votre oncle et votre tante de Mocqueux, qui viennent dîner avec nous, s’amuseront beaucoup de cette teinture. Et quant aux dégâts, ils seront réparés en partie avec l’argent de vos étrennes et celui que je vous donne pour vos semaines. Pendant trois mois vous n’aurez pas un sou. »

La maman appelle la bonne.

« Tâchez, lui dit-elle, de nettoyer les taches d’encre que ces petits mauvais sujets ont faites partout ; et, quant à eux, vous les laisserez sales comme ils sont pour dîner. »

Les enfants pleurent ; la maman se retire sans les regarder ; la bonne les gronde et se moque d’eux, tout en lavant à l’eau de savon les rideaux, les meubles, le tapis : elle a beau laver, frotter, les taches restent très visibles.

« Il faudra changer les rideaux et recouvrir les meubles, dit-elle. Vous avez eu là une belle idée tous les trois ! »