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LES VACANCES.

pourrait tenir avec Sophie. « Et Paul ! dit mon oncle, je ne partirai pas sans Paul. » Comprenant enfin que s’il me prenait avec lui, le baquet ne pourrait plus supporter le poids, il consentit à me confier au commandant, qui lui jura qu’il ferait tous ses efforts pour me sauver, qu’il me soignerait et m’aimerait comme si j’étais son propre fils. Mon oncle partit avec Sophie ; je pleurais, car je croyais bien qu’ils allaient s’engloutir comme les chaloupes. Le bon Normand et M. de Rosbourg ne perdirent pas de temps pour faire un radeau, sur lequel le Normand mit un petit tonneau d’eau et des provisions ; il passa une hache à sa ceinture et à celle du commandant, pensa aux rames, à la boussole, et je me trouvai sur le radeau, dans les bras du commandant. Il regardait son pauvre vaisseau d’un air aussi triste que mon oncle m’avait regardé en me quittant ; et quand le vaisseau acheva de se briser et fut enlevé par les vagues, je vis pour la première fois des larmes dans les yeux de mon cher commandant. Il se détourna, passa le dos de sa main sur ses yeux et reprit tout son courage. Je ne voyais plus le baquet de mon oncle ; les vagues étaient trop hautes. Pendant que le Normand ramait, M. de Rosbourg me posa sur ses genoux en me disant : « Dors, mon garçon, dors sur les genoux de ton père, tu seras à