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LES VACANCES

chants, mais d’une manière si grotesque que nous rîmes tous à nous tenir les côtes. Ils paraissaient enchantés de nous voir rire ; ils riaient aussi et faisaient des gambades comiques.

SOPHIE

Pardonne-moi si je t’interromps, Paul, mais je voudrais savoir pourquoi on t’avait attaché aux petits sauvages, et si tu es resté longtemps ainsi.

PAUL.

J’ai appris depuis, quand j’ai su leur langage, que c’était pour marquer l’affection qui devait me lier à mes nouveaux amis, et que nous devions à trois ne faire qu’un. Je n’osais pas défaire ces liens de peur de les fâcher, et en effet, j’ai su depuis que si je les avais défaits c’eût été comme si nous leur déclarions la guerre. Mon père me dit : « Tant qu’ils ne te feront pas de mal, mon garçon, laisse-les faire. Il ne faut pas risquer de les fâcher. Nous avons besoin d’eux. D’ailleurs ils n’ont vraiment pas l’air méchant. » Le roi fit alors signe à mon père d’approcher. Un sauvage apporta un autre lien ; le chef en attacha un bout au bras de mon père et lui donna l’autre bout en touchant son oreille de la sienne. Mon père prit le lien et l’attacha au bras du roi, dont il toucha aussi l’oreille. Le roi parut transporté de joie ainsi que tous les sauvages, qui se mirent