Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/118

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deux bras coupés par une locomotive au moment où il traversait la voie malgré la défense du chef de gare qui voyait bien qu’il n’avait pas le temps de traverser. Le pauvre homme est mort deux ou trois heures après, dans la gare même ; il était à ce poste depuis huit jours et sa femme arrivait le soir même avec son bagage pour s’y établir ; elle était dans la gare quand le malheur est arrivé. Cette station porte malheur ; celui-ci, c’est le troisième depuis trois ans. J’avais appris la mort de la pauvre Mme P. par ta maman ; je plains bien ses enfants livrés sans défense à un père brutal et insouciant ; la pauvre Léonie surtout me fait pitié…..Je t’avais parlé d’une jolie propriété à l’entrée d’Auray que j’avais envie d’acheter, mais j’y ai renoncé d’après le désir de ton oncle Gaston… Louis de Lamoignon est rentré au petit Stanislas l’avant-veille du départ de ses parents pour Kermadio ; ils sont ici depuis samedi ; Armand est désolé que tu ne viennes pas. Valentine est charmante ; elle t’embrasse ainsi qu’Armand. Adieu, mon bon petit chéri, je t’embrasse bien tendrement…..Je t’embrasse encore.

Grand’mère de Ségur.


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Kermadio, 18 juin 1872.

Mon cher petit Jacques, je ne t’ai pas écrit ces jours-ci, parce que j’avais la tête ébranlée par une petite attaque comme il y a trois ans, mais très légère ; la tête n’a plus rien, les jambes seules ont encore perdu de leur solidité et je marche avec une canne qui est bien réellement mon bâton de vieillesse : dans trois semaines j’aurai 73 ans ; un vrai Mathusalem, mais non hélas ! pour la sagesse. Tu sais que les Anatole de Ségur sont ici depuis quinze jours, pas à