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se mettre en route pour voir Paris et l’Exposition. Tous les rois et les empereurs viennent à leur tour, sans compter les pauvres principicules d’Allemagne, détrônés et volés par la Prusse et l’Italie. Si j’étais à Paris, je serais désolée, car je ne pourrais pas aller te voir, faute de fiacres ou remises. J’espère que tu sortiras jeudi.

Adieu, mon petit chéri, je t’aime et je t’embrasse bien tendrement.

Grand’mère de Ségur.


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Les Nouettes, 1867, 11 juin.

Mon cher petit Jacques chéri, j’ai su par ta tante Henriette que tu avais assisté à la grande revue de Longchamp ; j’espère que tu as pu voir les empereurs, rois, princes, grands-ducs, taikoune, etc., et surtout les beaux régiments de cavalerie arrivant au galop sous la tribune des souverains et s’arrêtant court sans déformer les rangs. Tu as vu ensuite l’attentat contre les empereurs revenant en voiture de la revue. Le malheureux qui a tiré sur le czar a son père en Sibérie ; sa mère est morte pendant le voyage de Sibérie ; sa sœur, restée seule, a été en butte aux plus cruels traitements de la part de l’escorte. Tous ces souvenirs ont tourné la tête du malheureux Polonais et il a fait l’acte de folie qui va le mener à l’échafaud. Il a manqué tuer notre empereur en visant le sien ; heureusement qu’il n’y a personne de tué ni de blessé, sauf l’assassin qui a deux doigts coupés par les éclats du pistolet qui était trop chargé.

Papa vient de t’acheter un très joli petit cheval pour les vacances ; il est très doux et très vif pourtant. Ce qu’il faudrait avec cela, ce serait un compagnon de promenade ;