Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/116

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autour de lui. Personne… Vous pouvez venir camarades. Que chacun prenne un de ces ânes et l’emmène lestement. »

Il se rangea pour donner passage à une douzaine d’hommes, auxquels il dit encore à mi-voix :

« Si les ânes se sauvent, ne vous amusez pas à courir après. Vite, et pas de bruit, c’est la consigne. »

Les hommes se glissèrent le long du bois, très fourré dans cette partie de la futaie ; ils marchaient avec précaution, mais vite ; les ânes, qui cherchaient l’ombre, broutaient de l’herbe près de la lisière du bois. À un signal donné, chacun des voleurs prit un des ânes par la bride et l’attira dans le fourré. Ces ânes, au lieu de résister, de se débattre, de braire, pour donner l’éveil, se laissèrent emmener comme des imbéciles ; un mouton n’eût pas été plus bête. Cinq minutes après, les voleurs arrivaient au fourré qui se trouvait au pied de l’arche. On fit entrer mes camarades un à un dans les broussailles, où ils disparurent. J’entendis le bruit de leurs pas sous terre, puis tout rentra dans le silence.

« Voilà l’explication des bruits qui effrayent le pays, pensai-je : une bande de voleurs est cachée dans les caves du couvent. Il faut les faire prendre ; mais comment ? Voilà la difficulté. »

Je restai caché sous ma voûte, d’où je voyais les ruines en entier et le pays tout autour, et je n’en sortis que lorsque j’entendis les voix des enfants qui cherchaient leurs ânes. J’accourus pour les