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Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/180

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la méchante femme était en nage, était rendue, sans avoir eu le plaisir de m’attraper seulement du bout de son fouet. Mon ami était suffisamment vengé quand la promenade fut terminée. Je le cherchai des yeux, car je l’avais vu courir du côté de mon enclos ; mais il attendait, pour se montrer, le départ de sa cruelle maîtresse.

« Misérable ! scélérat ! cria l’enragée fermière en se retirant ; tu me le payeras quand tu seras sous le bât. »

Je restai seul. J’appelai ; Médor sortit timidement la tête du fossé où il était caché ; je courus à lui.

« Viens ! lui dis-je. Elle est partie. Qu’as-tu fait ? Pourquoi te faisait-elle battre par Jules ?

— Parce que j’avais un morceau de pain qu’un des enfants avait posé par terre : elle m’a vu, s’est élancée sur moi, a appelé Jules, et lui a ordonné de me battre sans pitié.

— Est-ce que personne n’a cherché à te défendre ?

— Me défendre ! Ah oui ! vraiment ! ils ont tous crié : « C’est bien fait ! c’est bien fait ! Fouette-le, Jules, pour qu’il ne recommence pas. — Soyez tranquilles, répondit Jules, je n’irai pas de main-morte ; vous allez voir comme je vais le faire chanter. » Et à mon premier cri, ils ont tous battu des mains et crié : « Bravo ! Encore, encore ! »

— Méchants petits drôles ! m’écriai-je. Mais